Corinne, 37 ans, mère d’Eva, Villecomtal-sur-Arros
« Ma famille vient d’Italie, des Dolomites, de Trente plus précisément. Elle est arrivée au moment de la Seconde guerre mondiale. Je n’y suis jamais allée, mais on va y aller un jour. Tu aimerais savoir ce que m’a raconté ma grand-mère sur leur parcours…, eh bien ils se sont réfugiés ici, parce qu’ils ne voulaient pas s’allier avec l’Allemagne et combattre la France. Ils sont partis avec leurs sacs et un peu d’affaire, ont traversé les Alpes et se sont installés dans le Lot-et-Garonne. Ils ont acheté une une maison avec le peu d’argent qu’ils avaient, puis mon grand-père s’est installé comme agriculteur. Les enfants l’ont aidé. A l’époque ont faisait des enfants pour qu’ils travaillent, pas pour qu’ils nous embêtent.
Je me souviens que ma mère me racontait que leur intégration a été difficile, il y avait beaucoup d’Italiens dans le village. Ils ont dû travailler beaucoup, après l’école, garder les vaches, ramasser les haricots, couper du foin. Puis ma mère a dû être indépendante rapidement. On ne te demandait pas ce que tu voulais faire, il fallait te marier et partir vivre ta vie. Mais de tout ça, j’en ai peu parlé avec mes grands-parents, ils étaient pas très bavards à vrai dire et cette histoire, c’était un peu tabou.
Je connais juste quelque mots d’italien que ta grand-mère utilisait quand elle était énervée : « piano, piano, signora, il papa, la mama ». Mais je ne les ai pas beaucoup entendu parler italien entre eux. Puis c’était du patois de cette partie de l’Italie. Un peu comme le gascon ou l’occitan, ils le parlaient parce qu’ils n’avaient pas forcément les bonnes bases en italien, et puis cela leur rappelait des souvenirs sûrement, mais pour s’intégrer ils parlaient plus français. »
Eva